Les fouilles de Lutter (Alsace) ouvrent de nouvelles perspectives sur le néolithique
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Les fouilles de Lutter (Alsace) ouvrent de nouvelles perspectives sur le néolithique
Archéologie Les fouilles de Lutter ouvrent de nouvelles perspectives sur le néolithique
le 28/07/2011 à 05:00 Detlev Juppé
Sondage de 1,2 mètre dans la couche du mésolithique moyen-final.
La septième et dernière campagne de fouilles archéologiques s’achèvera le 5 août prochain, à l’abri Saint-Joseph de Lutter. Une nouvelle page importante concernant la « néolithisation » du Jura alsacien est ainsi ouverte.
Samedi 6 août, les tentes, tamis et autres pelles auront déserté le petit abri-sous-roche Saint-Joseph à Lutter. Et avec eux, les archéologues des Universités de Bâle et Strasbourg et de l’UMR 7 044 (département d’études des civilisations de l’Antiquité : de la préhistoire à Byzance) du CNRS, qui fouillent ce site depuis 2005.
Dans leurs bagages, une multitude de petits objets mis au jour : des os de gibier et d’animaux à fourrure, des tessons de céramique, des perles en calcaire, des chutes de débitage, des outils en silex… Ce qui manque, ce sont les animaux domestiques !
Découvert en 1983 par Rose-Marie Arbogast, archéozoologue, et Christian Jeunesse, néolithicien, lors de leur prospection systématique des cavités rocheuses du versant nord du Jura, l’abri Saint-Joseph est fouillé depuis 2005 par une poignée de chercheurs binationaux. Auparavant, un sondage s’était relevé très fructueux puisqu’il avait permis de mettre en évidence du matériel néolithique et mésolithique.
La grosse surprise
Mais avant d’atteindre ces couches, il fallait vider les strates sus-jacentes. « Celles-ci ont livré quelques restes romains du I er siècle de notre ère et des niveaux assez diffus de l’âge du bronze », précise Rose-Marie Arbogast, co-responsable du chantier avec Christian Jeunesse.
Puis, les archéologues se sont attaqués aux couches qu’ils souhaitent étudier : le néolithique final (-2 800 avant Jésus-Christ), le néo moyen (-4 500 à -3 900) et ancien (-4 600 à -5 500). Outre des céramiques, armatures et outils typiques de ces premiers agriculteurs et éleveurs de notre région, les spécialistes sont tombés sur des objets qui retiennent toute leur attention : des minuscules outils et armatures en silex (microlithes) et surtout des tessons d’une céramique inconnue jusque-là, différente de la poterie néolithique et que les chercheurs qualifient « d’indigène ». Rose-Marie Arbogast précise : « Nous l’avons trouvée dans un contexte néolithique. » Son collègue, Christian Jeunesse, la décrit ainsi : « Il s’agit d’une céramique non décorée, montée au colombin, mais avec des joints obliques et un dégraissant composé de calcaire et de coquilles concassés. »
Cela fait un bon moment que les préhistoriens se penchent sur la question : existait-il une céramique ante-néolithique, avant l’arrivée des premiers paysans en Alsace (vers -5 500), censés avoir introduit les arts du feu ? Les trouvailles de Lutter ouvrent d’autres perspectives. « Cet abri, une halte de chasse, se situe en marge de l’occupation principale par les néolithiques. Il est fort possible que les chasseurs-cueilleurs du mésolithique aient conservé leurs traditions jusque vers -3 900, alors que les populations paysannes de la plaine d’Alsace avaient depuis longtemps adopté un mode de vie basé sur la production de leurs aliments », explique l’archéologue. Ce qui ressemble à une lente acculturation des chasseurs-cueilleurs. Des contacts, en tout cas, ont dû exister, car des grains de blé carbonisés ont été exhumés, associés à un contexte mésolithique. Il est exclu que les chasseurs-cueilleurs aient « inventé » la culture céréalière, cette dernière étant arrivée ici par les premiers paysans venus des Balkans.
Étude en laboratoire
Jusqu’au 5 août, les chercheurs vont encore vider la couche du mésolithique ancien (vers -8 500). Avec un peu de chance, ils trouveront des vestiges encore plus anciens, mais qui, logiquement, appartiendront au paléolithique. Et cette période n’entre plus dans le cadre de la recherche de l’équipe binationale (lire ci-contre). Dès la rentrée universitaire, tous les restes « lutteriens » seront étudiés en laboratoire. Et peut-être renseigneront-ils un peu plus sur le passage des derniers chasseurs-cueilleurs du Jura alsacien à l’élevage et à l’agriculture.
Le grand public, lui, pourra découvrir le site et ses vestiges lors d’une exposition qui se tiendra à l’automne 2012, à Lutter.
http://www.lalsace.fr/actualite/2011/07/28/les-fouilles-de-lutter-ouvrent-de-nouvelles-perspectives-sur-le-neolithique
le 28/07/2011 à 05:00 Detlev Juppé
Sondage de 1,2 mètre dans la couche du mésolithique moyen-final.
La septième et dernière campagne de fouilles archéologiques s’achèvera le 5 août prochain, à l’abri Saint-Joseph de Lutter. Une nouvelle page importante concernant la « néolithisation » du Jura alsacien est ainsi ouverte.
Samedi 6 août, les tentes, tamis et autres pelles auront déserté le petit abri-sous-roche Saint-Joseph à Lutter. Et avec eux, les archéologues des Universités de Bâle et Strasbourg et de l’UMR 7 044 (département d’études des civilisations de l’Antiquité : de la préhistoire à Byzance) du CNRS, qui fouillent ce site depuis 2005.
Dans leurs bagages, une multitude de petits objets mis au jour : des os de gibier et d’animaux à fourrure, des tessons de céramique, des perles en calcaire, des chutes de débitage, des outils en silex… Ce qui manque, ce sont les animaux domestiques !
Découvert en 1983 par Rose-Marie Arbogast, archéozoologue, et Christian Jeunesse, néolithicien, lors de leur prospection systématique des cavités rocheuses du versant nord du Jura, l’abri Saint-Joseph est fouillé depuis 2005 par une poignée de chercheurs binationaux. Auparavant, un sondage s’était relevé très fructueux puisqu’il avait permis de mettre en évidence du matériel néolithique et mésolithique.
La grosse surprise
Mais avant d’atteindre ces couches, il fallait vider les strates sus-jacentes. « Celles-ci ont livré quelques restes romains du I er siècle de notre ère et des niveaux assez diffus de l’âge du bronze », précise Rose-Marie Arbogast, co-responsable du chantier avec Christian Jeunesse.
Puis, les archéologues se sont attaqués aux couches qu’ils souhaitent étudier : le néolithique final (-2 800 avant Jésus-Christ), le néo moyen (-4 500 à -3 900) et ancien (-4 600 à -5 500). Outre des céramiques, armatures et outils typiques de ces premiers agriculteurs et éleveurs de notre région, les spécialistes sont tombés sur des objets qui retiennent toute leur attention : des minuscules outils et armatures en silex (microlithes) et surtout des tessons d’une céramique inconnue jusque-là, différente de la poterie néolithique et que les chercheurs qualifient « d’indigène ». Rose-Marie Arbogast précise : « Nous l’avons trouvée dans un contexte néolithique. » Son collègue, Christian Jeunesse, la décrit ainsi : « Il s’agit d’une céramique non décorée, montée au colombin, mais avec des joints obliques et un dégraissant composé de calcaire et de coquilles concassés. »
Cela fait un bon moment que les préhistoriens se penchent sur la question : existait-il une céramique ante-néolithique, avant l’arrivée des premiers paysans en Alsace (vers -5 500), censés avoir introduit les arts du feu ? Les trouvailles de Lutter ouvrent d’autres perspectives. « Cet abri, une halte de chasse, se situe en marge de l’occupation principale par les néolithiques. Il est fort possible que les chasseurs-cueilleurs du mésolithique aient conservé leurs traditions jusque vers -3 900, alors que les populations paysannes de la plaine d’Alsace avaient depuis longtemps adopté un mode de vie basé sur la production de leurs aliments », explique l’archéologue. Ce qui ressemble à une lente acculturation des chasseurs-cueilleurs. Des contacts, en tout cas, ont dû exister, car des grains de blé carbonisés ont été exhumés, associés à un contexte mésolithique. Il est exclu que les chasseurs-cueilleurs aient « inventé » la culture céréalière, cette dernière étant arrivée ici par les premiers paysans venus des Balkans.
Étude en laboratoire
Jusqu’au 5 août, les chercheurs vont encore vider la couche du mésolithique ancien (vers -8 500). Avec un peu de chance, ils trouveront des vestiges encore plus anciens, mais qui, logiquement, appartiendront au paléolithique. Et cette période n’entre plus dans le cadre de la recherche de l’équipe binationale (lire ci-contre). Dès la rentrée universitaire, tous les restes « lutteriens » seront étudiés en laboratoire. Et peut-être renseigneront-ils un peu plus sur le passage des derniers chasseurs-cueilleurs du Jura alsacien à l’élevage et à l’agriculture.
Le grand public, lui, pourra découvrir le site et ses vestiges lors d’une exposition qui se tiendra à l’automne 2012, à Lutter.
http://www.lalsace.fr/actualite/2011/07/28/les-fouilles-de-lutter-ouvrent-de-nouvelles-perspectives-sur-le-neolithique
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